Extrait de Faut pas rêver

[…] Elle a mal. Ses jambes sont toutes gonflées. Cette nuit, elle a encore dormi nulle part et ne ressent plus rien. Juste la fatigue, qui s’entasse. Les jambes, qui lancent à battre le pavé. Elle a traîné son barda derrière elle jusqu’au jour. L’heure incertaine où s’éteignent les néons de Pigalle. Où les gens partent au boulot, du moins ceux qui sont encore quelque chose. C’est son truc à elle, ça, marcher, ne pas s’arrêter, ne pas donner prise aux prédateurs. Dans la rue, c’est difficile. Difficile de survivre. Mais bon, on y arrive. Tant qu’on a la santé. Et justement, là, elle est crevée. Les jambes qui gonflent, c’est peut-être grave… et peut-être pas vraiment. Parce que tout est gonflé chez elle, son ventre, ses doigts boudinés, le visage bouffi aux pommettes trop rouges. Une vitrine lui renvoie l’image échevelée d’une petite grosse en blouse à fleurs, qui dépasse du manteau trop court. Elle se sent sale, de tout ce sommeil entassé. Et elle a froid, Marcelline, elle a froid jusqu’au fond des rides. […]